Super hydrophoby
From Young’s angle to the Fakir effect (BSc/Undergraduate).
Introduction
De nombreux exemples de superhydrophobie existent dans la nature. Cette propriĂ©tĂ© permet notamment aux feuilles de lotus et de ginkgo biloba de rester secs et propres pour transformer plus efficacement le CO2 en dioxygène avec la photosynthèse. Cette mĂŞme propriĂ©tĂ© permet Ă la plupart des oiseaux de dĂ©coller directement de l’eau, Ă quelques exceptions près comme le cormoran, dont les plumes hydrophiles s’imbibent d’eau (raison pour laquelle on le voit perchĂ©, se sĂ©cher après chaque plongeon).
La mesure de l’angle d’Young, dĂ©fini comme l’angle formĂ©e entre une surface et une goutte d’eau posĂ©e dessus, permet de caractĂ©riser les surfaces hydrophiles des surfaces hydrophobes. Une goutte d’eau posĂ©e sur une surface hydrophile, comme le bois, a tendance Ă Ă©pouser la forme de la surface alors que sur une surface superhydrophobe, elle forme une perle. Cette propriĂ©tĂ© perlante a inspirĂ© la conception de vĂŞtements impermĂ©ables comme les K-ways.
Dans la suite, nous nous intĂ©ressons aux spores de lycopode, une plante de type fougère apparue il y a 470 millions d’annĂ©es. Ses spores microscopiques sont superhydrophobes et auraient permis Ă la plante de peupler la Terre en traversant les ocĂ©ans.
Présentation des spores de Lycopodium

La diffraction de la lumière permet de dĂ©terminer la taille des spores. La mesure du diamètre apparent du disque d’Airy $\theta$ illustrĂ© dans la Figure 1 permet de remonter Ă leur diamètre D par la relation $\theta = 1,22 \frac{\lambda}{D}$. NumĂ©riquement, on trouve $D\approx 20 \mu m$.
Les spores de lycopode sont recouverts de deux enveloppes, l’une interne appelĂ©e endospore, l’autre externe appelĂ©e exospore. L’exospore est constituĂ© de sporopollĂ©nine, un polymère naturel dont la composition exacte est toujours inconnue car la sporopollĂ©nine est très inerte. Cependant, des Ă©tudes ont montrĂ© que la structure de la sporopollĂ©nine est proche de celle de la $\beta$ carotène, et obtenue Ă partir d’acide fĂ©rulique et d’acide p-coumarique [1]. La prĂ©sence de longues chaĂ®nes carbonĂ©es expliquerait leur hydrophobie.

L’observation de spores au microscope optique (x100, x400, x600) suggère que leur surface n’est pas lisse. Des irrĂ©gularitĂ©s distantes de quelques $\mu m$ la rendent rugueuse et superhydrophobe. C’est l’effet Fakir: une goutte d’eau ne s’Ă©crase pas sous l’effet de la pesanteur mais laisse sous elle des poches d’air, tel un fakir posĂ© sur des clous. Ceci se produit lorsque la distance entre les irrĂ©gularitĂ©s est infĂ©rieure Ă la longueur capillaire de l’eau $L_c = \sqrt{\frac{\gamma}{\rho g}} \approx 3$ mm.

TracĂ© d’un diagramme Ă©nergĂ©tique

Deux gouttes enrobĂ©es de spores de lycopode ne coalescent pas, une propriĂ©tĂ© qui peut servir pour transporter un liquide dans un fluide [2]. En revanche, si une goutte dispose de suffisamment d’Ă©nergie, la coalescence peut se produire. Dans [3], les auteurs dĂ©terminent la vitesse d’impact critique pour qu’une goutte de rayon variable R traverse une couche de spore. Nous Ă©tudierons ici la barrière Ă©nergĂ©tique que reprĂ©sentent des spores pour la coalescence de gouttes d’eau. Nous considĂ©rons des gouttes d’eau de volume constant $\approx \mu m^3 $. On note $R$ leur rayon.

Montage et protocole
Le schĂ©ma du dispositif expĂ©rimental est illustrĂ© dans la Figure 3. $S$ dĂ©finit la surface du bĂ©cher, $m$ la masse de spore dĂ©posĂ©e et $\sigma = \frac{m}{S}$ la densitĂ© surfacique de spores, supposĂ©e uniforme Ă l’Ă©chelle du bĂ©cher. A $\sigma$ fixĂ©e, j’ai fait varier $h$, la hauteur depuis laquelle la goutte d’eau est lâchĂ©e sans vitesse initiale, l’interface de spores Ă©tant repĂ©rĂ©e par $h=0$. En première approximation, la vitesse d’impact est $v=\sqrt{2gh}$. Le rĂ©sultat expĂ©rimental est binaire, soit la goutte traverse la surface, soit elle ne la traverse pas.
Etude statistique
A $\sigma$ et h fixĂ©es j’ai lâchĂ© successivement entre 5 et 10 gouttes. Le rĂ©sultat est une fraction comprise entre 0 (aucune goutte lâchĂ©e n’a traversĂ© les spores) et 1 (toutes les gouttes lâchĂ©es ont traversĂ©). Ainsi, Ă $\sigma$ donnĂ©e, en rĂ©itĂ©rant ce qui prĂ©cède pour diffĂ©rentes valeurs de h, je dĂ©finis deux hauteurs $h_{min}$ et $h_{max}$.
Si $h < h_{min}$ la goutte ne traverse jamais et si $h > h_{max}$ la goutte traverse toujours: l’apport d’Ă©nergie est suffisant. L’intervalle $[h_{min}-h_{max}]$ correspond aux incertitudes de mesure.
Après plus de 800 gouttes lâchĂ©es, j’ai obtenu un diagramme Ă©nergĂ©tique oĂą $\sigma$ est portĂ© en abscisse, $h_{min}$ et $h_{max}$ en ordonnĂ©. On distingue trois domaines. Un premier oĂą $h$ est proportionnelle Ă $\sqrt{\sigma}$, puis une Ă©volution linĂ©aire et enfin quadratique. On remarque aussi qu’il existe une densitĂ© surfacique critique $\sigma_c$. Si $\sigma< \sigma_c$ une goutte d’eau traverse la couche de spores, quelque soit sa hauteur de chute.

Modélisation de la déplétion locale de spores
EnoncĂ© d’un principe
Lorsque la dĂ©formation de l’interface est maximale (Ă©tat repĂ©rĂ© par * et dĂ©pendant de la hauteur de chute h), si la densitĂ© surfacique apparente $\sigma^*$ est infĂ©rieure Ă $\sigma_c$, la goutte traverse. Sinon la goutte ne traverse pas. Le cas limite $\sigma^*=\sigma_c$ correspond Ă la frontière entre les deux rĂ©gimes. Pour dĂ©terminer $\sigma^*$ en fonction des paramètres $h$ et $\sigma$, je me suis rendu Ă l’institut d’Alembert de Jussieu pour filmer la dĂ©formation. Arnaud Antkowiak, professeur Ă l’UPMC et chercheur en mĂ©canique des fluides, m’a accueilli et permis de rĂ©aliser des videos avec une camĂ©ra rapide (plus de 1000 images par seconde).
Modélisation du domaine linéaire

Les sĂ©quences photos montrent que dans ce domaine, il n’y a pas de projections de spores. La conservation de la matière se traduit par $$ S^* \sigma^*=S\sigma $$ En première approximation, la surface de spores qui se dĂ©forme se situe directement sous la goutte. La variation de la surface est donc donnĂ©e par $$ \Delta S = S^* - S \approx \Pi R^2 (\frac{\sigma}{\sigma^*}-1) $$ Par ailleurs, la conservation de l’Ă©nergie se traduit par $$ \rho (\frac{4}{3} \pi R^3) gh= \gamma \Delta S $$ oĂą le terme de gauche correspond Ă l’Ă©nergie potentielle de la goutte d’eau lachĂ©e, et le terme de droite correspond Ă la variation d’Ă©nergie de surface due Ă sa dĂ©formation. L’Ă©quation du diagramme Ă©nergĂ©tique s’obtient en remplaçant $\sigma^*$ par $\sigma_c$ dans les Ă©quations (2) et (3). On obtient bien une relation linĂ©aire entre $h$ et $\sigma$, valable pour $\sigma \geq \sigma_c$ $$ h \approx \frac{4}{3} \frac{\gamma}{\rho Rg} (\frac{\sigma}{\sigma_c}-1) $$ $h$ est propotionnel Ă $\gamma$ et inversement proportionnel Ă la masse de la goutte d’eau, cela semble cohĂ©rent.
Conclusion
Pour qu’une goutte d’eau traverse effectivement des spores de Lycopode de densitĂ© surfacique $\sigma$, il faut un apport d’Ă©nergie cinĂ©tique suffisant pour permettre une dĂ©plĂ©tion locale de spores consĂ©quente. Le transfert et l’Ă©change d’Ă©nergie sont dĂ©terminants dans la nature de la rĂ©ponse.
Reference
[1] S. Barrier. Physical and chemical properties of sporopollenin exine particles. PhD Thesis. University of Hull. 2008.
[2] P. Aussillous. Les gouttes enrobées. PhD Thesis. Université Paris VI. 2002.
[3] E. Lorenceau, C. Planche, A. L. Biance et al. Coalescence of armored interface under impact. 2013.